A l'occasion d'une exposition produite par Bothsides Agency entre le 26 novembre et le 13 décembre 2009, nous avons pu mettre un pied dans l'univers musical et urbain de deux artistes très en vue en ce moment : le peintre Yann Couedor qui présentait les toiles de la série "Cut Collection" et Guillaume Landry, un des deux photographes qui les mettaient en scène (avec Sheitan-M) à la Galerie Absoluty dans le 10ème à Paris.
Une fois sortie de l'exposition, impressionnés par des toiles gargantuesques et des photos détonantes, nous avons voulu savoir comment ils travaillaient. On a donc pris rendez-vous avec eux. (Oui, il faut quand même dire que notre curiosité n'a pas été difficile à assouvir car Guillaume est un vieil ami : il a juste suffi d'un coup de fil).
Rendez-vous pris, nous voilà un soir de janvier 2010, à Belleville, chez Yann qui nous accueille avec sa femme Karine, sa fille Tamika et Guillaume. On est dans le salon, autour d'une table basse : apéritifs de rigueur. En fond sonore, DJ Rodgers Junior.
Références
YC
Je suis fan d'Andy Warhol mais je ne fais pas de pop art en soi. En général, je peins des gens que je kiffe et souvent ce sont des représentants de la culture afro-américaine. Mon développement se fait surtout autour de la musique, mes références sont musicales : mon taf c'est peindre des artistes qui me font kiffer. Je bosse pour la musique pas pour la peinture. (pause chips).
Je recherche aussi une résonance cinématographique. Pour son festival Art et Banlieue (mai-juin 2008), Luc Besson m'a demandé mes toiles de Nelson Mandela et de Spike Lee.
GL
La Chapelle, Bourdin, Cartier-Bresson, Spikee Lee, Michael Mann, Scorsese. J'aime les films et les images où l'on a l'impression d'être proche des personnages.
La rencontre
YC
Ca s'est fait naturellement comme souvent dans les rencontres où le seul intérêt c'est l'humain. Ah et aussi, on aime la musique et la vodka ! (rires).
GL
C'est à la fois le destin et le hasard. J'ai d'abord rencontré les toiles de Yann, c'était en 2007 via myspace (www.myspace.com/lissentomyart). Lui, je l'ai rencontré bien après en 2008, je passais au Journal Cream et il était là. Je lui ai parlé de ses toiles, il m'a demandé ce que je faisais et puis une heure est passée. Cool.
Karine, Guillaume Landry, Yann Couedor
Le style de chacun
YC
Je suis pour le "pop" au sens littéral. Je veux offrir ce que je fais à la masse, d'où la nécessité pour moi de travailler le parcours des gens populaires.
GL
J'essaie de ne pas m'enfermer dans un style même si je suis souvent dans la veine urbaine et street. Mais bon, le problème en France, c'est que quand tu fais un type de presse, t'es étiqueté. Moi j'essaie d'aller à l'ouverture.
Le travail de l'autre
YC
Guillaume, son truc, c'est la lumière, il réfléchit tout si vous voyez ce que je veux dire.
GL
Ce que j'aime chez Yann... Sa musicalité. Si tant est que ce soit possible, mes photos je veux qu'elle sonne comme une image d'un clip Hip-Hop. J'ai cette impression quand je regarde une toile de Yann. C'est ça que j'apprécie.
L'inspiration
YC
Ce que j'aime, c'est la compo. Les personnages sont le prétexte pour composer. Aujourd'hui, je ne me vois pas faire de l'abstrait. Mais même si les personnages ne sont que des excuses, j'ai besoin d'un visage humain. D'ailleurs, je m'appuie souvent sur une photo, c'est plus simple pour voir toutes les nuances d'un visage et aussi parce que mes cadres c'est du 2m20X2m20. Il y a donc une photo en amont mais aussi en aval, celle de la toile une fois la peinture achevée. Ca suppose une mise en situation de l'œuvre, et pour moi c'est constitutif de mon travail.
GL
D'abord les BD, la lecture, le ciné et les gens autour de moi. Ensuite, j'ai aussi des commandes et là c'est différent : je m'efforce de rester sur les envies de mes prestataires. Ça fait deux manières bien opposées d'utiliser l'inspiration et j'aime bien osciller de l'une à l'autre. Soit j'écoute ma sensibilité ou soit je colle à celle d'une personne qui m'est étrangère.
Les critiques
YC
On me dit souvent que ce que je fais n'est pas assez personnel. C'est parce que je peins des gens connus. Je comprends, mais en même temps y'a des proches qui savent que ma musique m'habite depuis tout petit. On me dit aussi souvent que je ne peins que des Noirs, mais non. Je peins de la musique que j'aime et il s'avère qu'elle est chantée par des Noirs.
GL
Les reproches ? C'est des techniciens qui viennent me donner leur avis théorique. Pourquoi pas. Mais moi je suis entré dans la photo par la sensibilité et c'est cette subjectivité que je veux rendre.
Financièrement parlant
YC
Ce que je fais, c'est des pièces uniques et c'est un moment de ma vie. Ça a un coût. Mais pour moi la reconnaissance maximale, c'est de rencontrer les artistes que j'ai peints et les voir kiffer. C'est un aboutissement, c'est ça qui me pousse.
GL
Tu peux reproduire l'image d'une photo mais pas l'instant. La valeur d'un cliché vient de là. Ce que je facture, c'est la captation de l'instant.
Projets
YC
Je vais refaire une expo à l'Olympia comme en juillet 2009 et sinon, j'aimerais faire des panneaux pour des artistes sur scène.
GL
Je vais bosser avec Sir Samuel, Milk Coffee & Sugar et d'autres dont je ne peux pas légalement parler. (rires).
Ce que vous vous souhaitez l'un à l'autre pour 2010
YC à GL
Que ça continue !
GL à YC
Encore plus de basket Jordan ! (rires).
Mot de la fin
YC
"Talent ou pas talent, ce qui prime c'est la surcharge de travail !"
GL
"Si je devais tirer quelque chose de cette interview, ce serait des photos, mais j'ai oublié mon appareil !"
Yann Couedor (www.yanncouedor.com, www.myspace.com/lissentomyart) et Guillaume Landry (www.guillaumelandry.com, www.myspace.com/guemtz) travaillent actuellement sur la pochette de notre album.
Nous les remercions de s'être prêtés au jeu de l'interview.
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