11 septembre 2012

Gaël Faye dans l'émission Le Ring

L'émission était enregistrée à la Bellevilloise, salle de concert à Paris, dans le vingtième. Le concept était de reproduire une salle de boxe et précisément, un Picaflore nommé Gaël Faye a boxé avec les mots pour citer Arsenik.
LE LIVE http://musique.orange.fr/videos/le-ring-gael-faye_5955289.html
L'INTERVIEW http://musique.orange.fr/videos/le-ring-interview-gael-faye_5955290.html
merci à Aline et toute son équipe.

06 septembre 2012

Poème de Julien Delmaire à propos d'un concert MC&S à Saint-Malo

Julien Delmaire, on l'a découvert avec le film documentaire, " Slam ce qui nous brûle " de Pascal Tessaud.
Documentaire dans lequel figure notre frère de plume Nëggus, membre de notre collectif Chant d'Encre et qui ne cessait de nous parler de " Nègres " un des recueils de poèmes de Julien Delmaire.
Nous nous sommes procurés le recueil et nous avons été époustouflés par la puissance d'écriture de Julien. C'était il y a bien trois ans de ça. Et voilà que nous croisons sa route à Saint-Malo en mai dernier. Non contents de partager la scène avec lui lors d'une restitution d'ateliers d'écriture, nous l'invitons à un de nos concerts. Nous voulions savoir ce qu'il pense de nous... Sa pensée a donné lieu à un texte qu'il nous a très humblement permis de publier ici. Encore un grand MERCI Julien, tes mots ne cesseront de nous toucher.
L’ALCHIMIE SUR LA GREVE
« Je suis incapable d’écouter de la musique trop souvent. Cela me donne envie de dire des choses gentilles et sottes, et de tapoter la tête des gens. Or, maintenant, il faut frapper sur la tête, les frapper sans merci. »
Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, propos rapportés par Maxime Gorki.
« Lay your head down real close to me. Soothe my mind and set me free. Set me free. »
Donna Summer, Love to Love You Baby.
Que dire du crépuscule, quand il s’allonge le long des docks, parmi les embruns hystériques et l’écume alanguie. Rien. On ferme sa gueule, on marche, on déploie ses pauvres ailes d’albatros anémié. On constate l’ombre.
Ca commençait mal. J’avais prêté mon badge à un frère d’encre, un camarade, un poète d’avant-garde qui avait oublié son blanc seing près des latrines dans la quête éperdue d’une immortelle. Je ne donnerai pas son nom, histoire de ne pas trop le compromettre, mais quand même, je n’avais plus de badge et ça commençait mal.
Une grande tente de style bédouin contemporain se dressait sur la grève. Je rassemblais mon courage, harnachait mon plus beau sourire, celui là-même qui fit se pâmer naguère les rudes matafs du Potemkine. Après une longue tractation avec le camarade videur, chez qui je décelais, au-delà d’une rustrerie de prime abord, des trésors de tendresse, la chemise presque blanche, imprégnée encore d’une sueur saine et laborieuse, je gagnais l’antichambre de la joie.
A l’intérieur, ça swinguait déjà. Du monde. Du beau monde qui chaloupait et tanguait dans les ressacs d’un honky-tonk sur pilotis. Sur la scène, qu’éblouissaient des ampoules fabuleuses, une fanfare excitait la foule. Tintamarre mélodieux surgit droit des abymes, éclaboussure de jazz sur les pendrillons du ciel. Combien étaient-ils sur l’estrade de bois, combiens de soleils martelés, donnant leurs sangs et leur salives au peuple du rythme ? Ils étaient innombrables. Me revient le nom de cet orphéon extatique. Milk Coffe and Sugar. Du lait, du café, du sucre. L’alchimie était limpide et nos cœurs, vieux percolateurs saturés d’arôme n’en pouvaient plus de vibrer.
Que dire du crépuscule quand il ramène sa meute de chiens vers l’estuaire où le silence, un soir, vint mourir. Rien. On danse. Je dansais donc, avec cette grâce ensorcelée, qui jadis me valu une standing ovation à l’Opéra de Moscou. Une batterie furibonde rassembla la tribu éparpillée. Ah, mes dernières pudeurs jetées en contrebas des planches ! Ah, mes beaux sagittaires, mes jambes de syncope, quelle biguine vous avez dansée ! Le batteur avait de faux-air de révolutionnaire cubain. L’organiste souriait à l’averse, ses doigts de pluie inondaient le clavier. Son visage de pasteur nous rappelait que le monde ne tient qu’à un accord. Le bassiste, s’il existait vraiment, se confondait avec la pulsation primale, colossale et intime, le vibrato de la terre. Et vous parlerais-je de cet homme, qui une anche noire aux lèvres, avait sans jamais cesser de sourire, réveillé le Lazare de son rêve de chlore. Ce saxophoniste blanc, une vraie gueule de tchétchène, que traversaient pourtant les langueurs du bayou.
Soudain, deux voix explosent à la face des possibles. Deux hougans font reluire les secrets du tambour. Les mots sentent l’asphalte et le lys écrasé. Le verbe accuse et il ne tremble pas. On rit beaucoup, ça taquine, ça houspille, ça cabotine même, puis le réel cogne, on se cogne à lui. Langues qui épousent les charniers, qui lavent les stigmates de la brousse, voix justes, voix d’oxygène.
Moi, camarade, on me la fait pas ; j’ai tété Engels au biberon et mes parents m’avaient offert comme hochet, une faucille et un petit marteau rigolo. Je les repère de loin, moi, camarade, les faux culs, les sociaux-traîtres, les kauskystes, les fantoches, les beaux parleurs, les hyènes à vocalises, les cosaques d’opérettes. Mais ces deux là, sur scène étaient plus vrais que nature. Ils disaient la vérité. Naturellement. Une vérité qui s’énonce dans un grand rire, le rire de l’esclave, égorgeurs de cannes dans la pénombre des plantations, l’esclave qui court, court, court à s’en démettre l’âme et qui rit, en hommage à la vie, à la nuit, tandis que les molosses à ses jarrets ne l’effrayent pas. L’esclave libre qui rit.
J’ai vu de bien belles choses, ce soir là, belles et improbables. Deux stagiaires mal rasés s’offrir un tango fraternel et viril. Un farfadet breton à peine jailli de son fourré étreindre le corps d’une princesse de Saba. C’était le Tout-Monde, le Tout-Genre. Un grand bordel glasnost irradié d’allégresse !
Que dire du crépuscule quand il renifle vos mains, comme un chien de hasard, puis s’éloigne sans réclamer pitance. Rien. On applaudit. J’applaudissais donc de toutes mes vertèbres. Près du bar, je reconnu Lénine qui discutait avec le videur ; ils avaient l’air copains comme moujiks. Je songeais alors à la théorie d’Alexandra Kollontaï : « dans la société idéale, faire l’amour, sera aussi simple que de boire un verre d’eau ». Je me souviens qu’Ilitch Oulianov, à l’époque, se tirait sur la barbichette, franchement dubitatif et que la pauvre Alexandra avait du remballer illico son utopie. Camarade Lénine, t’as rien compris ! L’amour c’est simple comme un café, avec du lait et du sucre. C’est le groove ultime camarade, le zapoï intergalactique, l’avènement de la libido sociale, l’équilibre définitif des rapports de production, c’est l’amour camarade. Et le crépuscule, tant pis pour lui.
Julien Delmaire
En direct des Cévennes Parallèles Août 2012.

un article sur Africultures pour "'Tite chose "

merci à Anne Bocandé http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10943

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